Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/210

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Rousseau n’ose le dire. Je vous en supplie, monsieur Rousseau.

Les regards de Rousseau ne quittaient plus cette belle personne, qui ne s’apercevait pas, elle, de l’attention dont elle était l’objet.

— Ah ! dit la dauphine en suivant la direction du regard de notre philosophe, c’est mademoiselle de Taverney qui a fait une faute !…

Andrée rougit, elle vit tous les yeux se porter sur elle.

— Non ! non ! s’écria Rousseau, ce n’est pas mademoiselle, car mademoiselle chante comme un ange.

Madame du Barry décocha au philosophe un coup d’œil plus aigu qu’un javelot.

Le baron de Taverney, au contraire, sentit son cœur se fondre de joie, et caressa Rousseau de son plus charmant sourire.

— Est-ce que vous trouvez que cette jeune fille chante bien ? demanda madame du Barry au roi, que les paroles de Rousseau avaient frappé visiblement.

— Je n’entends pas…, dit Louis XV ; dans un ensemble… il faut être musicien pour cela.

Cependant Rousseau s’agitait dans son orchestre pour faire chanter le chœur :


Colin revient à sa bergère ;
Célébrons un retour si beau


En se retournant après un essai, il vit M. de Jussieu qui le saluait avec aménité.

Ce ne fut pas un médiocre plaisir pour le Genevois que d’être vu régentant la cour, par un homme de cour, qui l’avait un peu froissé de sa supériorité.

Il lui rendit cérémonieusement son salut et se remit à regarder Andrée, que l’éloge avait rendue encore plus belle. La répétition continua, et madame du Barry devint d’une humeur atroce : elle avait deux fois surpris Louis XV distrait par le spectacle, des jolies choses qu’elle lui disait.