Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/236

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— C’est vrai.

— Un bel avenir.

— Qui sait ?…

— Pourquoi donc doutez-vous ?

— Je l’ignore.

— C’est de l’ingratitude envers Dieu, ma sœur.

— Oh ! non, grâce au ciel, je ne suis pas ingrate envers le Seigneur, et soir et matin je le remercie ; mais il me semble qu’au lieu de recevoir mes actions de grâces, chaque fois que je fléchis les genoux, une voix d’en haut me dit : « Prends garde, jeune fille, prends garde ! »

— Mais à quoi dois-tu prendre garde, réponds ? J’admets avec toi qu’un malheur te menace. As-tu quelque pressentiment de ce malheur ? Sais-tu que faire pour aller au-devant de lui en l’affrontant, ou que faire pour l’éviter ?

— Je ne sais rien, Philippe, si ce n’est qu’il me semble, vois-tu, que ma vie ne tient plus qu’à un fil, que rien ne luit plus pour moi au delà de ce moment qui va marquer ton départ. Il me semble, en un mot, que pendant mon sommeil, on m’a roulée sur la pente d’un précipice trop rapide pour que je m’arrête en me réveillant ; que je suis réveillée ; que je vois l’abîme, et que cependant j’y suis entraînée, et que, vous absent, vous n’étant plus là pour me retenir, je vais y disparaître et m’y briser.

— Chère sœur, bonne Andrée, dit Philippe ému malgré lui à cet accent plein d’une terreur si vraie, vous vous exagérez une tendresse dont je vous remercie. Oui, vous perdez un ami, mais momentanément : je ne serai pas si loin que vous ne puissiez me rappeler si besoin était ; d’ailleurs, songez qu’à l’exception de vos chimères, rien ne vous menace.

Andrée s’arrêta devant son frère.

— Alors, Philippe, dit-elle, vous qui êtes un homme, vous qui avez plus de force que moi, d’où vient que vous êtes en ce moment aussi triste que je le suis moi-même ? Voyons, dites, mon frère, comment expliquez-vous cela ?

— C’est facile, chère sœur, dit Philippe en arrêtant la marche d’Andrée, qu’elle avait reprise en cessant de parler. Nous ne