Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/261

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ou de le disjoindre ; quand elle aura, comme moi, usé ses paupières avec ses pleurs ; quand elle sera morte comme je suis morte et que vous aurez deux cadavres au lieu d’un, dans votre bonté infernale vous direz : « Ces deux enfants se divertissent ; elles se font société ; elles sont heureuses. » Oh ! non, non, mille fois non !

Et elle frappa violemment du pied le parquet.

Balsamo essaya encore de la calmer.

— Voyons, dit-il, Lorenza, de la douceur, du calme ; raisonnons, je vous en supplie.

— Il me demande du calme ! il me demande de la raison ! le bourreau demande de la douceur au patient qu’il torture, du calme à l’innocent qu’il martyrise.

— Oui, je vous demande du calme et de la douceur ; car vos colères, Lorenza, ne changent rien à votre destinée ; elles l’endolorissent, voilà tout. Acceptez ce que je vous offre, Lorenza, je vous donnerai une compagne, une compagne qui chérira l’esclavage, parce que cet esclavage lui aura donné votre amitié. Vous ne verrez pas un visage triste et larmoyant comme vous le craignez, mais au contraire un sourire et une gaieté qui dérideront votre front. Voyons, ma bonne Lorenza, acceptez ce que je vous offre, car, je vous le jure, je ne puis vous offrir plus.

— C’est-à-dire que vous mettrez près de moi une mercenaire, à laquelle vous aurez dit qu’il y a là-haut une folle, une pauvre femme malade et condamnée à mourir ; vous inventerez la maladie.« Renfermez-vous près de cette folle, consentez au dévouement, et je vous paierai vos soins aussitôt que la folle sera morte. »

— Oh ! Lorenza, Lorenza ! murmura Balsamo.

— Non, ce n’est point cela et je me trompe, n’est-ce pas ? poursuivit ironiquement Lorenza, et je devine mal ; que voulez-vous, je suis ignorante, moi ; je connais si mal le monde et le cœur du monde. Allons, allons, vous lui direz à cette femme : « Veillez, la folle est dangereuse ; prévenez-moi de toutes ses actions, de toutes ses pensées, veillez sur sa vie, veillez sur son sommeil. » Et vous lui donnerez de l’or tant