Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/262

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qu’elle voudra, l’or ne vous coûte rien, à vous, vous en faites.

— Lorenza, vous vous égarez ; au nom du Ciel, Lorenza, lisez mieux dans mon cœur. Vous donner une compagne, mon amie, c’est compromettre des intérêts si grands, que vous frémiriez si vous ne me haïssiez pas… Vous donner une compagne, je vous l’ai dit, c’est risquer ma sûreté, ma liberté, ma vie : et tout cela, cependant, je le risque pour vous épargner quelques ennuis.

— Des ennuis ! s’écria Lorenza en riant de ce rire sauvage et effrayant qui faisait frémir Balsamo. Il appelle cela des ennuis !

— Eh bien, des douleurs ; oui, vous avez raison, Lorenza, ce sont de poignantes douleurs. Oui, Lorenza ; eh bien, je te le répète, aie patience, et un jour viendra où toutes ces douleurs prendront fin ; un jour viendra où tu seras libre, un jour viendra où tu seras heureuse.

— Voyons, dit-elle, voulez-vous m’accorder de me retirer dans un couvent ? J’y ferai des vœux.

— Dans un couvent !

— Je prierai, je prierai pour vous d’abord et pour moi ensuite. Je serai bien enfermée, c’est vrai, mais j’aurai un jardin, de l’air, de l’espace, un cimetière pour me promener parmi les tombes, en cherchant d’avance la place de la mienne. J’aurai des compagnes qui seront malheureuses de leur propre malheur et non du mien. Laissez-moi me retirer dans un couvent, et je vous ferai tous les serments que vous voudrez. Un couvent, Balsamo, un couvent, je vous le demande à mains jointes.

— Lorenza, Lorenza, nous ne pouvons nous séparer. Liés, liés, nous sommes liés dans ce monde, entendez-vous bien ? Tout ce qui excédera les limites de cette maison ne me le demandez pas.

Et Balsamo prononça ces mots d’une voix si nette, et en même temps si réservée dans son absolutisme, que Lorenza ne continua pas même d’insister.

— Ainsi, vous ne le voulez pas ? dit-elle abattue.

— Je ne le puis.