— Dormez ! vous dis-je ! s’écria une seconde fois Balsamo, en faisant un pas vers elle, dormez, je vous l’ordonne.
Cette fois, la puissance de volonté fut telle chez Balsamo, que toute réaction fut vaincue ; Lorenza poussa un soupir, laissa échapper le couteau, chancela et alla rouler sur des coussins.
Les yeux restaient seuls ouverts, mais le feu sinistre de ces yeux pâlit graduellement et ils se fermèrent. Le cou, crispé, se détendit ; la tête se pencha sur l’épaule, comme fait la tête d’un oiseau blessé, un frissonnement nerveux courut par tout son corps. Lorenza était endormie.
Alors seulement Balsamo put écarter les vêtements de Lorenza, et sonda sa blessure qui lui parut légère. Cependant, le sang s’en échappait avec abondance.
Balsamo poussa l’œil du lion, le ressort joua, la plaque s’ouvrit ; puis, détachant le contre-poids qui faisait descendre la trappe d’Althotas, il se plaça sur cette trappe et monta dans le laboratoire du vieillard.
— Ah ! c’est toi, Acharat ? dit celui-ci toujours dans son fauteuil, tu sais que c’est dans huit jours que j’ai cent ans. Tu sais que d’ici-là il me faut le sang d’un enfant ou d’une vierge ?
Mais Balsamo ne l’écoutait point, il courut à l’armoire où se trouvaient les baumes magiques, saisit une de ces fioles dont il avait tant de fois éprouvé l’efficacité ; puis il se replaça sur la trappe, frappa du pied et redescendit.
Altholas fit rouler son fauteuil jusqu’à l’orifice de la trappe, avec l’intention de le saisir par ses vêtements.
— Tu entends, malheureux ! lui dit-il ; tu entends, si dans huit jours je n’ai pas un enfant ou une vierge, pour achever mon élixir, je suis mort.
Balsamo se retourna ; les yeux du vieillard semblaient flamboyer au milieu de son visage aux muscles immobiles ; on eût dit que les yeux seuls vivaient.
— Oui, oui, répondit Balsamo ; oui, sois tranquille, on te donnera ce que tu demandes.
Puis, lâchant le ressort, il fit remonter la trappe, qui, ainsi qu’un ornement, alla s’adapter au plafond.