Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/285

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soir, dit-elle ; mademoiselle a les yeux rouges et gonflés, brillants néanmoins. Je crois que mademoiselle aurait grand besoin de repos.

— Tu crois, Nicole ? dit Andrée qui n’avait pas écouté.

Et elle étendit nonchalamment les pieds sur un carreau de tapisserie.

Nicole accepta cette pose pour un ordre de déshabiller sa maîtresse, et se mit à détacher les rubans et les fleurs de sa coiffure, espèce d’édifice que la démolisseuse la plus habile ne jetait point bas avant un bon quart d’heure.

Andrée, pendant tout ce travail, ne souffla point un seul mot. Nicole, laissée à son libre arbitre, hacha, comme on dit, la besogne, et sans faire crier Andrée, tant sa préoccupation était grande, lui tira tout à son aise les cheveux.

La toilette de nuit terminée, Andrée donna ses ordres pour le lendemain. Il s’agissait d’aller dès le matin à Versailles chercher quelques livres que Philippe devait avoir fait transporter pour sa sœur ; il y avait, en outre, à prévenir l’accordeur de se rendre à Trianon pour mettre le clavecin en état.

Nicole répondit tranquillement que, si on ne la réveillait point dans la nuit, elle se lèverait de bonne heure, et qu’avant le réveil de mademoiselle toutes les commissions seraient faites.

— Demain aussi j’écrirai, continua Andrée se parlant à elle-même ; oui, j’écrirai à Philippe, cela m’allégera un peu.

— En tous cas, se dit Nicole tout bas, ce n’est pas moi qui porterai la lettre.

Et, à cette réflexion, la jeune fille, qui n’était pas encore perdue tout à fait, se prit à penser tristement qu’elle allait, pour la première fois, quitter cette excellente maîtresse près de laquelle s’étaient éveillés son esprit et son cœur. Chez elle, le souvenir d’Andrée se liait à tant de souvenirs, que, froisser celui-là, c’était secouer toute la chaîne qui remontait de ce jour aux premiers jours de son enfance.

Tandis que ces deux enfants, si différents de condition et de caractère, pensaient ainsi à côté l’un de l’autre, sans qu’il y eût aucune connexion dans leurs idées, le temps fuyait, et