Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/284

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déboucha, toute courante, de l’allée qui conduisait à la fameuse grille où elle venait de prendre toutes ses mesures avec M. de Beausire.

Nicole s’arrêta en apercevant sa maîtresse, et sur un signe que lui fit Andrée, elle monta derrière elle, et la suivit vers sa chambre.

Il pouvait en ce moment être huit heures et demie du soir. La nuit était venue plus prompte et plus épaisse que d’habitude, parce qu’un grand nuage noir courant du sud au nord, avait envahi tout le ciel, de sorte qu’au delà de Versailles, par-dessus les grands bois, aussi loin que la vue pouvait s’étendre, on voyait le lugubre linceul envelopper peu à peu toutes les étoiles étincelantes un instant auparavant sur leur coupole d’azur.

Un petit vent lourd et bas rasait le sol, envoyant des bouffées ardentes aux fleurs altérées, qui courbaient la tête comme pour implorer du ciel l’aumône de la pluie ou de la rosée.

Cette menace de l’atmosphère n’avait aucunement accéléré la marche d’Andrée ; au contraire, la jeune fille, triste et profondément rêveuse, mettait comme à regret le pied sur chaque marche de l’escalier qui conduisait à sa chambre, et elle s’arrêtait à chaque fenêtre pour regarder le ciel si bien en harmonie avec sa tristesse, et retarder ainsi sa rentrée dans le petit appartement.

Nicole impatiente, Nicole dépitée, Nicole, qui craignait que quelque fantaisie de sa maîtresse ne la conduisît au delà de l’heure, grommelait tout bas ces sortes d’imprécations que les valets n’épargnent jamais aux maîtres assez imprudents pour se permettre de satisfaire un caprice aux dépens des caprices de leurs valets.

Enfin, Andrée poussa la porte de sa chambre, et, tombant plutôt qu’elle ne s’assit sur un fauteuil, commanda doucement à Nicole d’entrebâiller la fenêtre qui donnait sur la cour.

Nicole obéit.

Puis, revenant à sa maîtresse avec cet air d’intérêt que la flatteuse savait si bien prendre :

— J’ai peur que mademoiselle ne soit un peu malade ce