Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/299

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entremetteuse de ce crime, complaisant Judas qui avait vendu et livré sa maîtresse.

Mais, à la pensée de ce qu’était venu faire le roi dans cette chambre, à la pensée de ce qui allait se passer devant lui, le sang monta aux yeux de Gilbert et l’aveugla.

Il eut envie de crier ; mais la peur, ce sentiment irréfléchi, capricieux, irrésistible, la peur qu’il eut de cet homme, plein de prestige, que l’on appelait le roi de France, lia la langue de Gilbert au fond de son gosier.

Louis XV cependant était rentré dans la chambre, la bougie à la main.

À peine y était-il, qu’il aperçut Andrée en peignoir de mousseline blanche, dont la tête retombait sur le dossier du sofa, dont une jambe reposait sur le coussin, tandis que l’autre raidie et déchaussée retombait sur le tapis.

Le roi sourit à cette vue. La bougie éclaira ce sourire lugubre, mais presque aussitôt un sourire presque aussi sinistre que le sourire royal vint illuminer le visage d’Andrée.

Louis XV murmura quelques mots, que Gilbert interpréta comme des mots d’amour, et, posant son flambeau sur la table, jetant, en se retournant, un coup d’œil au ciel enflammé, il vint s’agenouiller devant la jeune fille, dont il baisa la main.

Gilbert essuya la sueur ruisselante sur son front. Andrée ne bougea pas.

Le roi, qui sentit cette main glacée, la prit dans la sienne pour la réchauffer, puis il se pencha pour murmurer à son oreille quelques-unes de ces cajoleries amoureuses qu’on murmure à l’oreille des jeunes filles endormies.

Dans ce moment, son visage se rapprocha d’Andrée au point que le visage du roi effleura celui de la jeune fille.

Gilbert se tâta et respira en sentant dans la poche de sa veste le manche d’un long couteau qui lui servait à émonder les charmilles du parc.

Le visage était glacé comme la main.