Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/39

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que, trois minutes auparavant, il suivait à une assez grande distance.

Andrée, entendant ce pas, se jeta d’abord un peu de côté pour laisser passer l’homme ; lorsqu’il fut passé, elle regarda de son côté.

Le seigneur regardait aussi et de tous ses yeux : il s’arrêta même pour mieux voir, et, se retournant après avoir vu :

— Ah ! mademoiselle, dit-il d’une voix tout aimable, où courez-vous si vite, je vous prie ?

Au son de cette voix, Andrée leva la tête et vit, à trente pas derrière elle, deux officiers des gardes qui marchaient lentement ; elle vit, sous la pelisse de martre de celui qui lui adressait la parole, le cordon bleu, et toute pâle, toute effrayée de cette rencontre inattendue et de cette interruption gracieuse :

— Le roi ! dit-elle, en s’inclinant fort bas.

— Mademoiselle…, répliqua Louis XV en s’approchant, j’ai de si mauvais yeux que je suis forcé de vous demander votre nom.

— Mademoiselle de Taverney, murmura la jeune fille, si confuse, si tremblante, qu’à peine se fit-elle entendre.

— Ah ! oui-da ! c’est un heureux voyage que vous faites dans Trianon, mademoiselle, dit le roi.

— J’allais rejoindre Son Altesse Royale madame la dauphine, qui m’attend, répondit Andrée de plus en plus tremblante.

— Mademoiselle, je vous conduirai près d’elle, reprit Louis XV, car je vais en voisin de campagne rendre une visite à ma fille ; veuillez accepter mon bras, puisque nous suivons le même chemin.

Andrée sentit comme un nuage passer sur sa vue et descendre en flots tourbillonnants avec son sang jusqu’à son cœur. En effet, un pareil honneur pour la pauvre fille, le bras du roi, de ce souverain seigneur de tous, une gloire si inespérée, si incroyable, une faveur dont toute une cour eût été jalouse, lui paraissait quelque chose comme un rêve.

Aussi fit-elle une révérence si profonde et si religieusement