Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/45

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une bouteille de Leyde rudement chargée, recula de quatre pieds au moins.

Le roi Louis XV la regardait et souriait.

— Ah çà ! mais, se dit le duc de Richelieu, ce n’est presque pas la peine que je m’en mêle, et voilà des choses qui marchent toutes seules.

Le roi se retourna alors et aperçut le maréchal, tout préparé à soutenir ce regard.

— Bonjour, monsieur le duc, dit Louis XV ; faites-vous bon ménage avec madame la duchesse de Noailles ?

— Sire, répliqua le maréchal, madame la duchesse me fait toujours l’honneur de me maltraiter comme un étourdi.

— Est-ce que vous êtes allé aussi sur la route de Chanteloup, vous, duc ?

— Moi, sire ? ma foi, non ; je suis trop heureux pour cela des bontés de Votre Majesté pour ma maison.

Le roi ne s’attendait pas à ce coup ; il se préparait à railler, on allait au devant de lui.

— Qu’est-ce que j’ai donc fait, duc ?

— Sire, Votre Majesté a donné le commandement de ses chevau-légers à M. le duc d’Aiguillon.

— Oui, c’est vrai, duc.

— Et pour cela il fallait toute l’énergie, toute l’habileté de Votre Majesté ; c’est presque un coup d’État.

On était à la fin du repas ; le roi attendit un moment et se leva de table.

La conversation eût pu l’embarrasser, mais Richelieu était décidé à ne pas lâcher sa proie. Aussi, lorsque le roi se mit à causer avec madame de Noailles, la dauphine et mademoiselle de Taverney, Richelieu manœuvra-t-il si savamment qu’il se retrouva en pleine conversation, conversation qu’il avait dirigée selon son gré.

— Sire, dit-il, Votre Majesté sait que les succès enhardissent.

— Est-ce pour nous dire que vous êtes hardi, duc ?

— C’est pour demander à Votre Majesté une nouvelle grâce, après celle que le roi a daigné me faire ; un de mes bons amis,