Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/46

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un ancien serviteur de Votre Majesté, a son fils dans les gendarmes. Le jeune homme est plein de mérite, mais pauvre. Il a reçu d’une auguste princesse un brevet de capitaine, mais il lui manque la compagnie.

— La princesse est ma fille ? demanda le roi en se retournant vers la dauphine.

— Oui, sire, dit Richelieu, et le père de ce jeune homme s’appelle le baron de Taverney.

— Mon père !… s’écria involontairement Andrée, Philippe !… c’est pour Philippe, monsieur le duc, que vous demandez une compagnie ?

Puis, honteuse de cet oubli de l’étiquette, Andrée fit un pas en arrière, rougissante et les mains jointes.

Le roi se retourna pour admirer la rougeur, l’émotion de la belle enfant ; il revint aussi à Richelieu avec un regard de bienveillance qui apprit au courtisan combien sa demande était agréable à cause de l’occasion qu’elle fournissait.

— En effet, dit la dauphine, ce jeune homme est charmant, et j’avais pris l’engagement de faire sa fortune. Que les princes sont malheureux ! Dieu, quand il leur donne la bonne volonté, leur ôte la mémoire ou le raisonnement ; ne devais-je pas penser que ce jeune homme était pauvre, que ce n’était pas assez de lui donner l’épaulette, et qu’il fallait encore lui donner la compagnie ?

— Eh ! madame, comment Votre Altesse l’eût-elle su ?

— Oh ! je le savais, répliqua vivement la dauphine avec un geste qui rappela au souvenir d’Andrée la maison si nue, si modeste, et pourtant si heureuse à son enfance ; oui, je le savais, et j’ai cru avoir tout fait en donnant un grade à M. Philippe de Taverney. Il s’appelle Philippe, n’est-ce pas, mademoiselle ?

— Oui, madame.

Le roi regarda toutes ces physionomies si nobles, si ouvertes ; puis il arrêta les yeux sur celle de Richelieu, qui s’illuminait aussi d’un reflet de générosité qu’il empruntait sans doute à son auguste voisine.