Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/53

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murs ; je n’ai pas de société, je n’ai presque pas d’air ; il y avait pour moi la perspective d’un divertissement et d’un avenir.

— Quoi donc ? dit le baron.

— Trianon, donc ! répliqua Nicole ; Trianon, où j’aurais vu du monde, où j’aurais vu du luxe, où j’aurais regardé et où l’on m’aurait regardée.

— Oh ! oh ! petite Nicole, fit le baron.

— Eh ! monsieur, je suis femme et j’en vaux une autre.

— Cordieu ! voilà parler, dit sourdement le baron. Cela vit, cela remue. Oh ! si j’étais jeune et si j’étais riche !

Et il ne put s’empêcher de jeter un regard d’admiration et de convoitise sur tant de jeunesse, de sève et de beauté.

Nicole rêvait et parfois s’impatientait.

— Allons, couchez-vous, monsieur, dit-elle, que je puisse aussi m’aller coucher, moi.

— Encore un mot, Nicole.

Tout à coup la sonnette de la rue fit tressaillir Taverney et bondir Nicole.

— Qui peut venir ? dit le baron, à onze heures et demie du soir ; va voir, ma petite.

Nicole alla ouvrir, demanda le nom du visiteur et laissa la porte de la rue entrebâillée.

Par cette ouverture bienheureuse, une ombre qui venait de la cour s’échappa, non sans faire assez de bruit pour que le maréchal, car c’était lui, ne se retournât et ne vît la fuite.

Nicole le précéda, la bougie à la main, l’air tout épanoui.

— Tiens, tiens, tiens ! dit le maréchal en souriant et en la suivant au salon, ce vieux coquin de Taverney, il ne m’avait parlé que de sa fille.

Le duc était un de ces gens qui n’ont pas besoin de regarder à deux fois pour avoir vu, et vu complétement.

L’ombre qui fuyait le fit penser à Nicole, Nicole à l’ombre. Il devina sur la jolie figure de celle-ci ce que l’ombre était venue faire, et aussitôt, après avoir vu l’œil si malicieux, les dents si blanches et la taille si fine de la soubrette, il n’eut plus rien à apprendre sur son caractère et ses goûts.