Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/58

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— Plus de reine, plus de femmes ; plus de femmes, plus de courtisans ; le roi entretient une grisette, et le peuple est, sur le trône, représenté par mademoiselle Jeanne Vaubernier, lingère à Paris.

— Et cela est ainsi cependant, et…

— Vois-tu, baron, interrompit le maréchal, il y aurait un bien beau rôle pour une femme d’esprit qui voudrait régner en France à l’heure qu’il est…

— Sans doute, dit Taverney, dont le cœur battait ; mais malheureusement la place est prise.

— Pour une femme, continua le maréchal, qui, sans avoir les vices de ces prostituées, en aurait la hardiesse, le calcul et les vues ; pour une femme qui pousserait si haut sa fortune que l’on en parlerait encore alors même que la monarchie n’existerait plus. Sais-tu si ta fille a de l’esprit, baron ?

— Beaucoup, et du bon sens surtout.

— Elle est bien belle !

— N’est-ce pas ?

— Belle de ce tour voluptueux et charmant qui plaît tant aux hommes, belle de cette candeur et de cette fleur de virginité qui impose le respect aux femmes même… Il faut bien soigner ce trésor-là, mon vieil ami.

— Tu m’en parles avec un feu…

— Moi ! c’est-à-dire que j’en suis amoureux fou, et que je l’épouserais demain sans mes soixante-quatorze ans ; mais est-elle bien placée là-bas ? a-t-elle au moins ce luxe qui convient à une si belle fleur ?… Songes-y, baron ; ce soir, elle est rentrée seule chez elle, sans femme, sans chasseurs, avec un laquais du dauphin portant une lanterne devant elle : cela ressemble à de la domesticité.

— Que veux-tu, duc, tu le sais, je ne suis pas riche.

— Riche ou non, mon cher, il faut au moins une femme de chambre à ta fille.

Taverney soupira.

— Je le sais bien, dit-il, qu’il la lui faut, ou plutôt qu’il la lui faudrait.

— Eh quoi ! n’en as-tu pas une ?