Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/59

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Le baron ne répondit pas.

— Qu’est-ce que cette jolie fille, poursuivit Richelieu, que tu tenais là tout à l’heure ? Jolie et fine, ma foi.

— Oui, mais…

— Mais quoi, baron ?

— Je ne puis justement l’envoyer à Trianon.

— Pourquoi donc ? elle me semble, au contraire, convenir parfaitement à l’emploi ; ce sera une soubrette à quatre épingles.

— Tu n’as donc pas regardé son visage, duc ?

— Moi ? je n’ai fait que cela.

— Tu l’as regardée et tu n’as pas constaté sa ressemblance étrange !…

— Avec ?

— Avec… Cherche, voyons !… Venez ici, Nicole.

Nicole s’avança ; elle avait, en vraie Marton, écouté aux portes.

Le duc la prit par les deux mains, et enferma dans les siens les genoux de la jeune fille, que cet impertinent regard de grand seigneur et de débauché n’intimida point et ne gêna pas une seconde.

— Oui, dit-il, oui, elle a une ressemblance, c’est vrai.

— Tu sais avec qui, et tu vois, par conséquent, qu’il est impossible d’exposer la faveur de notre maison à une pareille maladresse du hasard. Est-il bien agréable que ce petit bas mal ravaudé de mademoiselle Nicole ressemble à la plus illustre dame de France ?

— Oh ! oh ! repartit aigrement Nicole en se dégageant pour mieux riposter à M. de Taverney, est-il bien certain que ce petit bas mal ravaudé ressemble bien exactement à cette illustre dame ?… L’illustre dame a-t-elle bien l’épaule basse, l’œil vif, la jambe ronde et le bras potelé de ce petit bas mal ravaudé ? Dans tous les cas, monsieur le baron, acheva-t-elle en colère, si vous me dépréciez ainsi, ce n’est que sur échantillon, ce me semble !

Nicole était rouge de fureur, et par conséquent d’une beauté splendide.