Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/65

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reposer, dans le silence et la solitude, c’est-à-dire dans l’isolement des grandeurs, une âme humble et mélancolique.

En effet, plus de supériorités, plus de devoirs, plus de représentation, quand on avait une fois franchi ce perron et gravi cet escalier de la chapelle. Autant de calme qu’au couvent, autant de liberté matérielle que dans la vie de prison. L’esclave au palais rentrait maître dans sa chambre des communs.

Une âme douce et fière comme celle d’Andrée trouvait son compte en tous ces petits calculs, non pas qu’elle vînt se reposer d’une ambition déçue ou des fatigues d’une fantaisie inassouvie ; mais Andrée pouvait penser plus à l’aise dans l’étroit quadrilatère de sa chambre que dans les riches salons de Trianon, sur ces dalles que son pied foulait avec tant de timidité qu’on eût dit de la terreur.

De là, de ce coin obscur où elle se sentait bien à sa place, la jeune fille regardait sans trouble toutes les grandeurs qui pendant le jour avaient ébloui ses yeux. Au milieu de ses fleurs, avec son clavecin, entourée de livres allemands, qui sont une si douce compagnie aux gens qui lisent avec le cœur, Andrée défiait le sort de lui envoyer un chagrin ou de lui ôter une joie.

— Ici, disait-elle, lorsque le soir, après ses devoirs accomplis, elle revenait prendre son peignoir à larges plis, et respirer de toute son âme, comme de tous ses poumons, ici, je possède à peu près tout ce que je posséderai jusqu’à ma mort. Peut-être me verrai-je un jour plus riche, mais jamais je ne me trouverai plus pauvre ; il y aura toujours des fleurs, de la musique et une belle page pour récréer les isolés.

Andrée avait obtenu la permission de déjeuner chez elle lorsque bon lui semblait. Cette faveur lui était précieuse. Elle pouvait, de cette façon, demeurer jusqu’à midi dans sa chambre, à moins que la dauphine ne la fît demander pour quelque lecture ou quelque promenade matinale. Ainsi libre, dans les beaux jours, elle partait le matin avec un livre et traversait seule les grands bois qui vont de Trianon à Versailles, puis, après deux heures de promenade, de méditation et de rêverie, elle rentrait