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pour déjeuner, n’ayant aperçu souvent ni un seigneur, ni un laquais, ni un homme, ni une livrée.

La chaleur commençait-elle à filtrer sous les épais ombrages, Andrée avait sa petite chambre si fraîche, avec un double air de la fenêtre et de la porte du corridor. Un petit sofa recouvert d’étoffe d’indienne, quatre chaises pareilles, son chaste lit à ciel rond, d’où tombaient des rideaux de la même étoffe que le meuble, deux vases de Chine sur la cheminée, une table carrée à pieds de cuivre : voilà en quoi se composait ce petit univers, aux confins duquel Andrée bornait toutes ses espérances, limitait tous ses désirs.

Nous disions donc que la jeune fille était assise dans sa chambre, et s’occupait d’écrire à son père, lorsqu’un petit coup, discrètement frappé à la porte du corridor, éveilla son attention.

Elle leva la tête en voyant la porte s’ouvrir, et poussa un léger cri d’étonnement, lorsque le visage radieux de Nicole apparut sortant de la petite antichambre.


XCV

COMMENT LA JOIE DES UNS FAIT LE DÉSESPOIR DES AUTRES.


— Bonjour, mademoiselle ; c’est moi, dit Nicole avec une joyeuse révérence, qui cependant, d’après la connaissance que la jeune fille avait du caractère de sa maîtresse, n’était pas exempte d’inquiétude.

— Vous ! et par quel hasard ? répliqua Andrée en déposant sa plume pour mieux suivre la conversation qui s’engageait ainsi.

— Mademoiselle m’oubliait ; moi, je suis venue.

— Mais, si je vous oubliais, mademoiselle, c’est que j’avais mes raisons pour cela. Qui vous a permis de venir ?

— M. le baron, sans doute, mademoiselle, dit Nicole en