Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/74

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Gilbert remarqua qu’on le recherchait. Il ne pouvait se méprendre aux petites toux sèches qui résonnaient près de la fenêtre, lorsque Nicole le savait dans sa mansarde ; aux allées et venues de la jeune fille dans le corridor, lorsqu’elle pouvait supposer qu’il allait descendre ou monter.

Un moment il fut bien heureux de ce triomphe, qu’il attribuait tout entier à sa force de caractère et à son esprit de conduite. Nicole le guetta si bien qu’elle le vit une fois monter son escalier : elle l’appela, il ne répondit pas.

La jeune fille poussa plus loin sa curiosité ou sa crainte ; elle ôta un soir ses jolies mules à talons, héritage d’Andrée, et se hasarda, tremblante et rapide, dans l’appentis au fond duquel on voyait la porte de Gilbert.

Il faisait encore assez jour pour que ce dernier, prévenu de l’approche de la jeune fille, pût voir Nicole distinctement à travers les jointures ou plutôt les disjonctions des planches.

Elle vint heurter à sa porte, sachant bien qu’il était dans sa chambre.

Gilbert ne répondit pas.

C’était pourtant pour lui une dangereuse tentation. Il pouvait humilier à son aise celle qui revenait ainsi demander son pardon. Il était seul, ardent et frissonnant chaque nuit au souvenir de Taverney, l’œil collé à la porte, dévorant la beauté fascinatrice de cette voluptueuse fille ; surexcité par la sensation préliminaire de son amour-propre, il levait déjà la main pour tirer le verrou, qu’avec sa prévoyance et sa circonspection habituelles, il avait poussé pour n’être pas surpris.

— Non, se dit-il, non ; il n’y a que calcul chez elle ; c’est par besoin et par intérêt qu’elle vient me solliciter. Donc, elle y gagnerait quelque chose ; qui sait, moi, ce que j’y perdrais ?

Et, sur ce raisonnement, il laissa retomber sa main à son côté. Nicole, après avoir frappé deux ou trois fois à la porte, s’éloigna en fronçant le sourcil.

Gilbert conserva donc tous ses avantages ; Nicole alors redoubla de ruse pour ne pas perdre entièrement les siens. Enfin, tant de projets et de contremines se réduisirent à ces mots que les deux parties belligérantes échangèrent un soir à