Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/88

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madame du Barry me défendra. Grâce à Dieu, elle m’aime, elle est brave, et elle a tout pouvoir sur l’esprit de Sa Majesté. Merci, mon oncle, de votre conseil, je m’y réfugie comme dans un port de salut. Mes chevaux ! Bourguignon, à Luciennes !

Le maréchal resta au milieu d’un sourire ébauché.

M. d’Aiguillon salua respectueusement son oncle et quitta le salon laissant le maréchal fort intrigué, par-dessus tout confus de l’acharnement qu’il avait mis à mordre cette chair noble et vive.

Il y eut quelque consolation pour le vieux maréchal dans la joie folle des Parisiens, lorsque le soir ils lurent les dix mille exemplaires de l’arrêt qu’on s’arrachait dans les rues. Mais il ne put s’empêcher de soupirer quand Rafté lui demanda compte de sa soirée.

Il la lui raconta cependant sans rien taire.

— Le coup est donc paré ? dit le secrétaire.

— Oui et non, Rafté, mais la blessure n’est pas mortelle, et nous avons à Trianon quelque chose de mieux que je me reproche de n’avoir pas uniquement soigné. Nous avons couru deux lièvres, Rafté… C’est une grande folie…

— Pourquoi, si l’on prend le bon ? répliqua Rafté.

— Eh ! mon cher, le bon, souviens-toi de cela, c’est toujours celui qu’on n’a pas pris, et, pour celui-là qu’on n’a pas, on donnerait toujours l’autre, c’est-à-dire celui qu’on tient.

Rafté haussa les épaules, et cependant M. de Richelieu n’avait pas tort.

— Vous croyez, dit-il, que M. d’Aiguillon sortira de là ?

— Crois-tu que le roi en sorte, nigaud ?

— Oh ! le roi fait un trou partout ; mais il ne s’agit pas du roi, que je sache.

— Où le roi passera, passera madame du Barry, qui tient de si près au roi… et par où madame du Barry aura passé, d’Aiguillon passera aussi, lui qui… Mais tu n’entends rien à la politique, Rafté.

— Monseigneur, ce n’est pas l’avis de maître Flageot.