Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/87

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— Voilà un rude coup ! dit Richelieu ; tu n’es plus pair de France, c’est humiliant.

Le duc se retourna vers son oncle, comme si, à ce moment seulement, il eut reprit la vie et la pensée.

— Tu ne t’y attendais pas ? dit Richelieu du même ton.

— Et vous, mon oncle ? riposta d’Aiguillon.

— Comment veux-tu qu’on aille se douter que le parlement frappera si vertement sur le favori du roi et de la favorite… Ces gens-là se feront pulvériser.

Le duc s’assit, la main sur sa joue brûlante.

— C’est que, continua le vieux maréchal, enfonçant le poignard dans la plaie, si le parlement te dégrade de la pairie pour ta nomination au commandement des chevau-légers, il te décrétera de prise de corps et te condamnera au feu le jour où tu seras nommé ministre. Ces gens-là t’exècrent, d’Aiguillon, méfie-toi d’eux.

Le duc soutint cet horrible persiflage avec une constance de héros ; son malheur le grandissait, il épurait son âme.

Richelieu crut que cette constance était de l’insensibilité, de l’inintelligence peut-être, et que les piqûres n’avaient pas été assez profondes.

— N’étant plus pair, dit-il, tu seras moins exposé à la haine de ces robins… réfugie-toi dans quelques années d’obscurité. D’ailleurs, vois-tu, l’obscurité, ta sauvegarde, va te venir sans que tu le veuilles ; déchu des fonctions de pair, tu arriveras au ministère plus difficilement, cela te tirera d’affaire ; tandis que si tu veux lutter, mon ami, eh bien, tu as madame du Barry pour toi, elle te porte en son cœur, et c’est un solide appui.

M. d’Aiguillon se leva. Il ne rendit pas même au maréchal un regard de courroux pour toutes les souffrances que le vieillard venait de lui faire subir.

— Vous avez raison, mon oncle, répondit-il tranquillement, et votre sagesse perce dans ce dernier avis. Madame la comtesse du Barry, à laquelle vous avez eu la bonté de me présenter, et à qui vous avez dit de moi tant de bien et avec tant de véhémence que tout le monde en peut témoigner à Luciennes,