Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/107

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— Peste soit des bégueules ! ajouta-t-il.

Et il rentra dans la chambre de sa fille, où minutieusement il s’occupa de chercher tout ce qui pouvait aider ses conjectures et lui faire une opinion.

Pendant ce temps, Andrée traversait l’esplanade et longeait les parterres. Elle levait parfois la tête pour chercher en l’air de plus vigoureuses aspirations, car le parfum des fleurs nouvelles montait trop violemment à son cerveau et en ébranlait chaque fibre.

Ainsi frappée, chancelante sous le soleil, et cherchant un appui autour d’elle, la jeune fille parvint, en combattant un malaise inconnu, jusqu’aux antichambres de Trianon, où madame de Noailles, debout sur le seuil du cabinet de la dauphine, fit comprendre du premier mot à Andrée qu’il était l’heure et qu’on l’attendait.

En effet, l’abbé ***, lecteur en titre de la princesse, déjeunait avec Son Altesse Royale, qui admettait souvent à de pareilles faveurs les personnes de son intimité.

L’abbé vantait l’excellence de ces pains au beurre que les ménagères allemandes savent entasser si industrieusement autour d’une tasse de café à la crème.

L’abbé parlait au lieu de lire, et racontait à la dauphine toutes les nouvelles de Vienne qu’il avait recueillies chez les gazetiers et chez les diplomates, car à cette époque la politique se faisait en plein air, aussi bonne, ma foi, que dans les antres les plus secrets des chancelleries, et il n’était point rare, au ministère, d’apprendre des nouvelles que des MM. du Palais-Royal ou des quinconces de Versailles avaient devinées, sinon forgées.

L’abbé causait surtout des dernières rumeurs d’une émeute clandestine à propos de la cherté des grains, émeute, disait-il, que M. de Sartine avait arrêtée tout net en faisant conduire à la Bastille cinq des plus forts accapareurs.

Andrée entra : la dauphine, elle aussi, avait ses jours de fantaisie et de migraine ; l’abbé l’avait intéressée : le livre d’Andrée arrivant après la causerie l’ennuya.

En conséquence, elle dit à sa lectrice en second de faire en sorte de ne