Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/148

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— Monsieur, dit-il, tout à l’heure, et cela amena la méprise fatale qui vous a blessé…

— Ne parlons plus de cela, monsieur.

— Au contraire, parlons-en ; tout à l’heure, un peu tard peut-être, vous me dites que mademoiselle de Taverney était votre sœur. Mais auparavant, avec une exaltation qui a causé mon erreur, vous m’avez dit que vous aimiez mademoiselle Andrée plus que votre vie.

— C’est vrai.

— Si votre amour pour elle est si grand, elle doit le payer d’un semblable retour ?

— Oh ! monsieur, Andrée m’aime comme elle n’aime personne au monde.

— Eh bien ! alors, retournez près d’elle, interrogez-la, monsieur ; interrogez-la dans cette voie où je suis forcé, moi, de vous abandonner ; et si elle vous aime comme vous l’aimez, eh bien, elle répondra à vos questions. Il y a bien des choses que l’on dit à un ami que l’on ne dit pas à un médecin ; alors peut-être consentira-t-elle à vous dire, à vous, ce que je ne voudrais pas, pour un doigt de ma main, vous avoir laissé entrevoir. Adieu, monsieur.

Et le docteur fit de nouveau un pas vers le pavillon.

— Oh ! non, non, c’est impossible ! s’écria Philippe fou de douleur et entrecoupant chacune de ses paroles d’un sanglot ; non, docteur, j’ai mal entendu ; non, vous ne pouvez m’avoir dit cela ?

Le docteur se dégagea doucement ; puis avec une douceur pleine de commisération :

— Faites ce que je viens de vous prescrire, monsieur de Taverney, et croyez-moi, c’est ce que vous avez de mieux à faire.

— Oh ! mais songez-y donc ; vous croire c’est renoncer à la religion de toute ma vie, c’est accuser un ange, c’est tenter Dieu, docteur ; si vous exigez que je croie, prouvez au moins, prouvez.

— Adieu, monsieur.

— Docteur ! s’écria Philippe au désespoir.