Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/149

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— Prenez garde, si vous parlez avec cette véhémence, vous allez faire connaître ce que je m’étais promis, moi, de taire à tout le monde, et ce que j’eusse voulu cacher à vous-même.

— Oui, oui ; vous avez raison, docteur, dit Philippe d’une voix si basse que le souffle mourait en sortant de ses lèvres ; mais enfin la science peut se tromper et vous avouez que vous-même vous vous êtes trompé quelquefois ?

— Rarement, monsieur, répondit le docteur ; je suis un homme d’études sévères, et ma bouche ne dit oui que lorsque mes yeux et mon esprit ont dit : « J’ai vu — je sais — je suis sûr. » Oui, certes, vous avez raison, monsieur, parfois, j’ai pu me tromper comme se trompe toute créature faible ; mais, selon toute probabilité, ce n’est point cette fois-ci. Allons, du calme, et séparons-nous.

Mais Philippe ne pouvait se résigner ainsi. Il posa la main sur le bras du docteur avec un air de si profonde supplication, que celui-ci s’arrêta.

— Une dernière, une suprême grâce, monsieur, dit-il ; vous voyez dans quel désordre se trouve ma raison ; j’éprouve quelque chose qui ressemble comme à de la folie ; j’ai besoin, pour savoir si je dois vivre ou mourir, d’une confirmation de cette réalité qui me menace. Je rentre près de ma sœur, je ne lui parlerai que lorsque vous l’aurez revue ; réfléchissez.

— C’est à vous de réfléchir, monsieur, car, pour moi, je n’ai pas un mot à ajouter à ce que j’ai dit.

— Monsieur, promettez-moi — mon Dieu ! c’est une grâce que le bourreau ne refuserait pas à la victime, — promettez-moi de revenir chez ma sœur après votre visite à Son Altesse madame la dauphine ; docteur, au nom du ciel, promettez-moi cela !

— C’est inutile, monsieur, mais vous y tenez, il est de mon devoir de faire ce que vous désirez ; en sortant de chez madame la dauphine, j’irai voir votre sœur.

— Oh ! merci, merci. Oui, venez, et alors vous avouerez vous-même que vous vous êtes trompé.