Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Non.

—Et cependant, il me semble que j’ai été folle et que j’ai rêvé !

— Rêvé ? et qu’as-tu rêvé, chère et bonne Andrée ?

— Oh ! le docteur Louis, le docteur Louis, mon frère !

— Andrée ! s’écria Philippe en lui serrant la main, Andrée, tu es pure comme la lumière du jour ; mais tout t’accuse, tout te perd ; un secret terrible nous est imposé à tous deux. Je vais aller trouver le docteur Louis, pour qu’il dise à madame la dauphine que tu es atteinte de ce mal inexorable du pays, que le séjour seul de Taverney peut te guérir, et puis nous partirons, soit pour Taverney, soit pour quelque antre lieu du monde ; puis, tous deux isolés ici-bas, nous aimant, nous consolant…

— Mais cependant, mon frère, dit Andrée, si je suis pure comme tu dis ?…

— Chère Andrée, je t’expliquerai tout cela ; en attendant, prépare-toi au départ.

— Mais, mon père ?

— Mon père, dit Philippe d’un air sombre, mon père, cela me regarde, je le préparerai.

— Il nous accompagnera donc ?

— Mon père, oh ! impossible, impossible : nous deux, Andrée, nous deux seuls, te dis-je.

— Oh ! que tu m’effraies, ami ; que tu m’épouvantes, mon frère ; que je souffre, Philippe !

— Dieu est au bout de tout, Andrée, dit le jeune homme ; ainsi donc, du courage : je cours trouver le docteur ; toi, Andrée, toi, ce qui te rend malade, c’est le chagrin d’avoir quitté Taverney, chagrin que tu cachais pour madame la dauphine. Allons, allons, sois forte, ma sœur ; il y va de notre honneur à tous deux.

Et Philippe se hâta d’embrasser sa sœur, car il suffoquait.

Puis il ramassa son épée, qu’il avait laissée tomber, la remit au fourreau d’une main tremblante, et s’élança dans l’escalier.