Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/201

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— Si je ne fusse pas venu, elle buvait le breuvage préparé par Nicole, et alors c’était le roi. Eussiez-vous trouvé le malheur moins grand ?

— Non, monsieur, il eût été égal toujours ; et, je le vois bien, nous étions condamnés. Réveillez ma sœur, monsieur.

— Mais elle me verra, mais elle comprendra peut-être ce qui s’est passé ; mieux vaut que je la réveille comme je l’ai endormie, à distance.

— Merci ! merci !

— Alors, à mon tour, adieu, monsieur.

— Un mot encore, comte. Vous êtes homme d’honneur ? `

— Oh ! le secret, voulez-vous dire ?

— Comte…

— C’est une recommandation inutile, monsieur ; d’abord, parce que je suis homme d’honneur ; ensuite, parce que décidé à ne plus avoir rien de commun avec les hommes, je vais oublier les hommes et leurs secrets ; toutefois, monsieur, comptez sur moi si je puis jamais vous être utile. Mais non, mais non, je ne suis plus utile à rien, je ne vaux plus rien sur la terre. Adieu, monsieur, adieu.

Et, s’inclinant devant Philippe, Balsamo regarda encore une fois Andrée, dont la tête penchait en arrière avec tous les symptômes de la douleur et de la lassitude.

— Ô science, murmura-t-il, que de victimes pour un résultat sans valeur !

Et il disparut.

À mesure qu’il s’éloignait, Andrée se ranima ; elle souleva sa tête pesante comme si elle eut été de plomb, et regardant son frère avec des yeux étonnés :

— Oh ! Philippe, murmura-t-elle, que vient-il donc de se passer ?

Philippe comprima le sanglot qui l’étouffait, et souriant avec héroïsme :

— Rien, ma sœur, dit-il.

— Rien ?