Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/215

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— Bon ! c’est grave ?

— Assez grave, oui, monsieur.

— Ce garçon a toujours des façons cérémonieuses qui inquiètent… Est-ce un malheur, voyons, ou un bonheur que vous apportez ?

— C’est un malheur, dit gravement Philippe.

Le baron chancela.

— Nous sommes bien seuls ? demanda Philippe.

— Mais, oui.

— Voulez-vous que nous entrions dans la maison, monsieur ?

— Pourquoi pas en plein air, sous ces arbres…

— Parce qu’il est de certaines choses qui ne se disent pas à la lumière des cieux.

Le baron regarda son fils, obéit à son geste muet, et tout en affectant l’impassibilité, le sourire même, il le suivit dans la salle basse dont déjà Philippe avait ouvert la porte.

Lorsque les portes furent soigneusement fermées, Philippe attendit un geste de son père pour commencer la conversation, et le baron s’étant assis commodément dans le meilleur fauteuil du salon :

— Monsieur, dit Philippe, ma sœur et moi nous allons prendre congé de vous.

— Comment cela ? fit le baron très surpris. Vous… vous absentez !… Et le service ?

— Il n’y a plus de service pour moi : vous savez que les promesses faites par le roi n’ont pas été réalisées… heureusement.

— Voilà un heureusement que je ne comprends pas.

— Monsieur…

— Expliquez-le-moi : comment pouvez-vous être heureux de n’être pas colonel d’un beau régiment ? Vous pousseriez loin la philosophie.

— Je la pousse assez loin pour ne pas préférer le déshonneur à la fortune, voilà tout. Mais n’entrons pas, s’il vous plaît, monsieur, dans des considérations de cet ordre…

— Entrons-y, pardieu !