Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/231

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vous n’eussiez jamais abandonné vos enfants si vous aviez eu de l’argent pour les nourrir ?

— Seulement le strict nécessaire, non, jamais, je le jure, jamais !

Et Rousseau étendit solennellement sa main tremblante vers le ciel.

— Vingt mille livres, demanda Gilbert, est-ce assez pour nourrir son enfant ?

— Oui, c’est assez, dit Rousseau.

— Bien, dit Gilbert, merci, monsieur ; maintenant, je sais ce qui me reste à faire.

— Et, dans tous les cas, jeune comme vous l’êtes, avec votre travail, vous pouvez nourrir votre enfant, dit Rousseau. Mais vous avez parlé de crime ; on vous cherche, on vous poursuit peut-être…

— Oui, monsieur.

— Eh bien, cachez-vous ici, mon enfant, le petit grenier est toujours libre.

— Vous êtes un homme que j’aime, mon maître ! s’écria Gilbert, et l’offre que vous me faites me comble de joie ; je ne vous demande en effet qu’un abri ; quant à mon pain, je le gagnerai, vous savez que je ne suis pas un paresseux.

— Eh bien, dit Rousseau d’un air inquiet, si la chose est convenue ainsi, montez là-haut, que madame Rousseau ne vous voie pas ici ; elle ne monte plus au grenier, puisque depuis votre départ nous n’y serrons plus rien ; votre paillasse y est restée, arrangez-vous du mieux possible.

— Merci, monsieur ; cela étant ainsi, je serai plus heureux que je ne le mérite.

— Maintenant, est-ce là tout ce que vous désirez ? dit Rousseau en poussant du regard Gilbert hors de la chambre.

— Non, monsieur ; mais encore un mot, s’il vous plaît.

— Dites.

— Vous m’avez un jour, à Luciennes, accusé de vous avoir trahi, je ne trahissais personne, monsieur, je suivais mon amour.

— Ne parlons plus de cela. Est-ce tout ?