Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/233

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— La clef, s’il vous plaît ?

— Au clou, dans la cuisine, comme d’habitude.

— Adieu, monsieur, adieu.

— Prenez du pain, je vous préparerai du travail pour cette nuit.

— Merci !

Et Gilbert s’esquiva si légèrement, qu’il était déjà dans son grenier avant que Thérèse n’eût monté le premier étage.

Muni du précieux renseignement que lui avait donne Rousseau, Gilbert ne fut pas long à exécuter son projet.

En effet, Thérèse n’eut pas plutôt refermé la porte de son appartement, que le jeune homme, qui, de la porte de la mansarde, avait suivi tous ses mouvements, descendit l’escalier avec autant de rapidité que s’il n’eut pas été affaibli par un long jeûne. Il avait la tête pleine d’idées d’espérance, de rancunes, et derrière tout cela planait une ombre vengeresse qui l’aiguillonnait de ses plaintes et de ses accusations.

Il arriva rue Saint-Claude dans un état difficile à décrire.

Comme il entrait dans la cour de l’hôtel, Balsamo reconduisait jusqu’à la porte le prince de Rohan, qu’un devoir de politesse avait amené chez son généreux alchimiste.

Or, comme le prince en sortait, s’arrêtant une dernière fois pour renouveler ses remerciements à Balsamo, le pauvre enfant, déguenillé, s’y glissait comme un chien, n’osant regarder autour de lui de peur de s’éblouir.

Le carrosse du prince Louis l’attendait au boulevard ; le prélat traversa lestement l’espace qui le séparait de sa voiture, qui partit avec rapidité, dès que la portière fut refermée sur lui.

Balsamo l’avait suivi d’un regard mélancolique, et quand la voiture eut disparu, il se tourna vers le perron.

Sur ce perron était une espèce de mendiant dans l’attitude de la supplication.

Balsamo marcha à lui ; quoique sa bouche fût muette, son regard expressif interrogeait.

— Un quart d’heure d’audience, s’il vous plaît, monsieur le comte, dit le jeune homme aux habits déguenillés.