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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/234

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— Qui êtes-vous, mon ami ? demanda Balsamo avec une suprême douceur.

— Ne me reconnaissez-vous pas ? demanda Gilbert.

— Non ; mais n’importe, venez, répliqua Balsamo sans s’inquiéter de la mine étrange du solliciteur, non plus que de ses vêtements et de son importunité.

Et marchant devant lui, il le conduisit dans la première chambre, où s’étant assis, sans changer de ton et de visage :

— Vous demandiez si je vous reconnaissais ? dit-il.

— Oui, monsieur le comte.

— En effet, il me semble vous avoir vu quelque part.

— À Taverney, monsieur, lorsque vous y vîntes, la veille du jour du passage de la dauphine.

— Que faisiez-vous à Taverney ?

— J’y demeurais.

— Comme serviteur de la famille ?

— Non pas ; comme commensal.

— Vous avez quitté Taverney ?

— Oui, monsieur, voilà près de trois ans.

— Et vous êtes venu ?…

— À Paris, où d’abord j’ai étudié chez monsieur Rousseau ; après quoi, j’ai été placé dans les jardins de Trianon en qualité d’aide-jardinier-fleuriste, par la protection de M. de Jussieu.

— Voilà de beaux noms que vous me citez là, mon ami. Que me voulez-vous ?

— Je vais vous le dire.

Et, faisant une pause, il fixa sur Balsamo un regard qui ne manquait pas de fermeté.

— Vous rappelez-vous, continua-t-il, être venu à Trianon pendant la nuit du grand orage, il y aura vendredi six semaines ?

Balsamo devint sombre, de sérieux qu’il était.

— Oui, je me souviens, dit-il ; m’auriez-vous vu, par hasard ?

— Je vous ai vu.

— Alors, vous venez pour vous faire payer le secret ? dit Balsamo d’un ton menaçant.