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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/239

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— Tenez, mon ami, voilà, dit Balsamo.

Et il lui donna les cinquante livres qu’il désirait.

Là-dessus, il congédia Gilbert d’un signe de tête, et, du même pas lent et triste il rentra dans ses appartements.


CLII

LES PROJETS DE GILBERT.


Une fois dans la rue, Gilbert laissa refroidir cette fiévreuse imagination qui, aux derniers mots du comte, l’avait emporté au delà, non-seulement du probable, mais encore du possible.

Arrivé à la rue Pastourel, il s’assit sur une borne, et, jetant les yeux autour de lui pour s’assurer que personne ne l’espionnait, il tira de sa poche les billets de caisse tout froissés par le serrement de sa main.

C’est qu’une idée terrible lui était passée par l’esprit et lui avait fait venir ! a sueur au front.

— Voyons, dit-il en regardant les billets, si cet homme ne m’a point trompé ; voyons s’il ne m’a pas tendu un piége ; voyons s’il ne m’envoie pas à une mort certaine sous le prétexte de me procurer un bonheur certain ; voyons s’il ne fait pas pour moi ce que l’on fait pour le mouton qu’on attire à l’abattoir en lui offrant une poignée d’herbe fleurie. J’ai ouï dire qu’il courait un grand nombre de faux billets de caisse, à l’aide desquels les roués de la cour trompaient les filles d’Opéra. Voyons si le comte ne m’aurait pas pris pour dupe.

Et il détacha de la liasse un de ces billets de dix mille livres ; puis, entrant chez un marchand, il demanda, en montrant le billet, l’adresse d’un banquier pour le changer, ainsi que son maître, disait-il, l’en avait chargé.

Le marchand regarda le billet, le tourna et le retourna en l’admirant fort, car la somme était pompeuse et sa boutique