Aller au contenu

Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/245

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


CLIII

OÙ GILBERT VOIT QU’UN CRIME EST PLUS FACILE À COMMETTRE QU’UN PRÉJUGÉ À VAINCRE.


À mesure que diminuait la sensation douloureuse qui s’était emparée de Gilbert, ses idées devenaient plus nettes et plus précises.

Sur ces entrefaites, l’ombre qui s’épaississait l’empêcha de rien distinguer ; alors, un invincible désir lui prit de voir les arbres, la maison, les allées que l’obscurité venait de confondre dans une seule masse, sur laquelle l’air flottait égaré comme sur un abîme.

Il se souvint qu’un soir, en des temps plus heureux, il avait voulu se procurer des nouvelles d’Andrée, la voir, l’entendre parler même, et qu’au péril de sa vie, souffrant encore de la maladie qui avait suivi le 31 mai, il s’était laissé glisser le long de la gouttière, du premier étage jusqu’en bas, c’est-à-dire jusqu’à ce bienheureux sol du jardin.

En ce temps-là, il y avait un grand danger à pénétrer dans cette maison, que le baron habitait, où Andrée était si bien gardée, et cependant, malgré ce danger, Gilbert se rappelait combien la situation était douce, et comment son cœur avait joyeusement battu quand il avait entendu le bruit de sa voix.

— Voyons, si je recommençais, si une dernière fois j’allais chercher à genoux, sur le sable des allées, la trace adorée qu’ont dû y laisser les pas de ma maîtresse ?

Ce mot, ce mot effrayant s’il eût été entendu, Gilbert l’articula presque haut, prenant à le prononcer un étrange plaisir.

Gilbert interrompit son monologue pour fixer un regard profond sur la place où il devinait que le pavillon devait être.