Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/255

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Mais, tout à coup, se ravisant :

— Fou ! dit-il ; misérable écervelé que je suis ; je parlais, je crois, de vengeance ; et quelle vengeance exercerais-je ? Tuer la femme ? Oh ! non, elle tomberait heureuse de me flétrir par une injure de plus ! La déshonorer publiquement ? Oh ! c’est d’un lâche !… Est-il une place sensible en l’âme de cette créature où mon coup d’épingle frappe aussi douloureusement qu’un coup de poignard ?… C’est l’humiliation qu’il lui faut… Oui, car elle est encore plus orgueilleuse que moi.

« L’humilier… moi… comment ? Je n’ai rien, je ne suis rien, et elle va disparaître sans doute. Certes, ma présence, des apparitions fréquentes, un regard de mépris ou de provocation la châtiraient cruellement… Je sais bien que la mère sans entrailles serait une sœur sans cœur, et m’enverrait son frère pour me tuer ; mais, qui m’empêche d’apprendre à tuer un homme, comme j’ai appris à raisonner ou à écrire ; qui m’empêche de terrasser Philippe, de le désarmer, de rire au nez du vengeur comme à celui de l’offensée ? Non, ce moyen est un moyen de comédie ; tel compte sur son adresse et son expérience qui n’a pas calculé l’intervention de Dieu ou du hasard… Seul, moi seul, avec mon bras nu, avec une raison dépouillée d’imagination, avec la force de mes muscles donnés par la nature et la force de ma pensée je réduirai à néant les projets de ces malheureux… Que veut Andrée, que possède-t-elle, que met-elle en avant pour sa défense et pour mon opprobre ?… Cherchons. »

Puis, sur le bord de la saillie du mur, courbé, l’œil fixe, il médita profondément.

— Ce qui peut plaire à Andrée, dit-il, c’est ce que je déteste, il faut donc détruire tout ce que je déteste… Détruire ! oh ! non… Que ma vengeance ne me porte jamais au mal ! Que jamais elle ne me porte à employer le fer ou le feu ?

« Que me reste-t-il alors ? Le voici : c’est de chercher la cause de la supériorité d’Andrée ; c’est de voir par quelle chaîne elle va retenir à la fois mon cœur et mon bras… Oh ! ne plus la voir ! Oh ! ne plus être regardé par elle !… Oh ! passer à deux pas de cette femme, alors que souriant avec sa beauté insolente elle