tiendra par la main son enfant… son enfant, qui ne me connaîtra jamais… Terre et cieux !
Et Gilbert ponctua cette phrase d’un furieux coup de poing dans la muraille, et d’une imprécation plus terrible encore qui s’envola vers le ciel.
— Son enfant ! voilà tout le secret. Il ne faut pas qu’elle possède jamais cet enfant, qu’elle habituerait à exécrer le nom de Gilbert. Il faut qu’au contraire elle sache bien que cet enfant grandira dans l’exécration du nom d’Andrée ! En un mot, cet enfant qu’elle n’aimerait pas, qu’elle torturerait peut-être, car c’est un mauvais cœur, cet enfant, avec lequel on me flagellerait perpétuellement, il faut que jamais Andrée ne le voie, et qu’elle pousse, l’ayant perdu, des rugissements pareils à ceux des lionnes qu’on a privées de leurs lionceaux !
Gilbert se releva beau de colère et de joie sauvage.
— C’est cela, dit-il en étendant le poing vers le pavillon d’Andrée, tu m’as condamné à la honte, à l’isolement, au remords, à l’amour… Je te condamne, moi, à la souffrance sans fruit, à l’isolement, à la honte, à la terreur, à la haine sans vengeance. Tu me chercheras, j’aurai fui ; tu appelleras l’enfant, dusses-tu le déchirer si tu le retrouvais ; mais ce sera au moins une rage de désir que j’aurai allumée dans ton âme ; ce sera une lame sans poignée que j’aurai enfoncée dans ton cœur… Oui, oui, l’enfant ! J’aurai l’enfant, Andrée ; j’aurai, non pas ton enfant, comme tu dis, mais le mien. Gilbert aura son enfant ! fils noble par sa mère… Mon enfant !… mon enfant !…
Et il s’anima insensiblement des transports d’une ivresse de joie.
— Allons, dit-il, il ne s’agit pas de dépits vulgaires ou de petites lamentations pastorales ! il s’agit d’un bel et bon complot. Ce n’est plus d’ordonner à mon regard de n’aller pas chercher le pavillon ; mais bien d’ordonner à toute ma force, à toute mon âme, de veiller pour assurer le succès de mon entreprise.
« Je veillerai, Andrée ! dit-il solennellement en s’approchant de la fenêtre, jour et nuit ; tu ne feras plus un mouve-