CLVI
DERNIÈRE AUDIENCE.
En novembre, c’est-à-dire plusieurs mois après les événements que nous avons racontés, Philippe de Taverney sortit de grand matin pour la saison, c’est-à-dire au petit jour, de la maison qu’il habitait avec sa sœur. Déjà s’étaient éveillées, sous les lanternes encore allumées, toutes les petites industries parisiennes : les petits gâteaux fumants que le pauvre marchand de la campagne dévore comme un régal à l’air vif du matin, les hottes chargées de légumes, les charrettes pleines de poissons et d’huîtres qui courent à la halle, et dans ce mouvement de la foule laborieuse, une sorte de réserve imposée aux travailleurs par le respect du sommeil des riches.
Philippe se hâta de traverser le quartier populeux et embarrassé qu’il habitait, pour gagner les Champs-Élysées absolument déserts.
Les feuilles tournoyaient rouillées à la cime des arbres ; la plus grande partie jonchait déjà les allées battues du Cours la Reine, et les jeux de boule, abandonnés à cette heure, étaient cachés sous un épais tapis de ces feuilles frissonnantes.
Le jeune homme était vêtu, comme les bourgeois les plus aisés de Paris, d’un habit à larges basques, d’une culotte et de bas de soie ; il portait l’épée ; sa coiffure, très-soignée, annonçait qu’il avait dû se livrer bien longtemps avant le jour aux mains du perruquier, ressource suprême de toute la beauté de cette époque.
Aussi, quand Philippe s’aperçut que le vent du matin commençait à déranger sa coiffure et à disperser la poudre, promena-t-il un regard plein de déplaisir sur l’avenue des Champs-Élysées, pour voir si quelqu’une des voitures de louage