Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/295

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— Je ne vous ai pas tout dit, ajouta-t-il ; le pauvre père est mort de douleur.

Les deux bonnes femmes joignirent les mains avec expression.

— Et la mère ? demanda Angélique.

— Oh ! la mère… la mère, répliqua Gilbert en respirant péniblement… jamais son enfant, né ou à naître, ne devait compter sur elle.

Ils en étaient là quand le père Pitou rentra des champs, l’air calme et joyeux. C’était une de ces natures épaisses et honnêtes, bourrées de douceur et de santé, comme les a peintes Greuze dans ses bons tableaux.

Quelques mots le mirent au courant. Il comprenait d’ailleurs par amour-propre les choses, surtout celles qu’il ne comprenait pas…

Gilbert expliqua que la pension de l’enfant devait être payée jusqu’à ce qu’il fût devenu un homme, et capable de vivre seul avec l’aide de sa raison et de ses bras.

— Soit, dit Pitou ; je crois que nous aimerons cet enfant, car il est mignon.

— Lui aussi ! dirent Angélique et Madeleine, il le trouve comme nous !

— Venez donc avec moi, je vous prie, chez maître Niquet ; je déposerai chez lui l’argent nécessaire, afin que vous soyez contents et que l’enfant puisse être heureux.

— Tout de suite, monsieur, répliqua Pitou père.

Et il se leva.

Alors Gilbert prit congé des bonnes femmes et s’approcha du berceau dans lequel on avait déjà placé le nouveau venu, au détriment de l’enfant de la maison.

Il se pencha sur le berceau d’un air sombre, et, pour la première fois, regardant le visage de son fils, il s’aperçut qu’il ressemblait à Andrée.

Cette vue lui brisa le cœur ; il fut obligé de s’enfoncer les ongles dans la chair, pour comprimer une larme qui montait de ce cœur blessé à sa paupière.