Cependant il entendait les voix de ses compagnons se perdre au loin. Un ou deux coups de fusil retentirent dans la montagne : puis le bruit s’éteignit, et Philippe resta seul.
De leur côté, les matelots avaient accompli leur tâche ; ils ne devaient plus revenir dans la grotte.
Philippe se laissa entraîner peu à peu par le charme de cette solitude et par le tourbillon de ses pensées ; il s’étendit sur le sable doux et moelleux, s’adossa aux roches tapissées d’herbes aromatiques et rêva.
Les heures s’écoulèrent ainsi. Il avait oublié le monde. À côté de lui, son fusil désarmé dormait sur la pierre, et, pour pouvoir se coucher à l’aise, il avait sorti de ses poches les pistolets qui ne le quittaient pas.
Tout son passé revenait vers lui, lentement, solennellement, comme un enseignement ou un reproche. Tout son avenir s’envolait austère comme ces oiseaux farouches qu’on touche parfois du regard ; de la main, jamais.
Pendant que Philippe rêvait ainsi, sans doute on rêvait, on riait, on espérait à cent pas de lui. Il avait la perception insensible de ce mouvement, et plus d’une fois il lui avait semblé entendre la rame des canots qui amenaient au rivage ou qui reconduisaient à bord des passagers, les uns blasés sur le plaisir de cette journée, les autres avides d’en jouir à leur tour.
Mais sa méditation n’avait pas été troublée encore, soit que l’entrée de la grotte eût échappé aux uns, soit que les autres l’ayant vue eussent dédaigné d’y entrer.
Tout à coup une ombre timide, indécise, s’interposa entre le jour et la caverne, sur le seuil même… Philippe vit quelqu’un marcher, les mains en avant ; la tête baissée, du côté de l’eau murmurante. Cette personne se heurta même une fois aux rochers, son pied ayant glissé sur des herbes.
Alors Philippe se leva et vint tendre la main à cette personne pour l’aider à reprendre le bon chemin. Dans ce mouvement de courtoisie, ses doigts rencontrèrent la main du voyageur dans les ténèbres.
— Par ici, dit-il avec affabilité ; monsieur, l’eau est par ici.