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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/319

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lion, jeta loin de lui Philippe d’un seul mouvement d’épaules, puis il se croisa les bras.

— Vous voyez, dit-il, que je pourrais me défendre si je voulais ; mais à quoi bon ? Voilà que vous courez à votre fusil ; j’aime bien mieux être tué d’un seul coup que déchiré par des ongles et écrasé de coups honteux.

Philippe avait saisi en effet son fusil, mais, à ces mots, il le repoussa.

— Non, murmura-t-il.

Puis, tout haut :

— Où vas-tu ?… Comment es-tu venu ici ?

— Je suis embarqué sur l’Adonis.

— Tu te cachais donc, tu m’avais donc vu ?

— Je ne savais pas même que vous fussiez à bord.

— Tu mens.

— Je ne mens pas.

— Comment se fait-il que je ne t’aie pas vu ?

— Parce que je ne sortais de ma chambre que la nuit.

— Tu vois, tu te caches ?

— Sans doute.

— De moi ?

— Non, vous dis-je, je vais en Amérique avec une mission, et je ne dois pas être vu. Le capitaine m’a logé à part… pour cela.

— Tu te caches, te dis-je, pour me dérober ta personne… et surtout pour cacher l’enfant que tu as dérobé.

— L’enfant ? dit Gilbert.

— Oui, tu as volé et emporté cet enfant pour t’en faire une arme un jour, pour en tirer un gain quelconque, misérable !

Gilbert secoua la tête.

— J’ai repris l’enfant, dit-il, pour que personne ne lui apprît à mépriser ou à renier son père.

Philippe reprit haleine un moment.

— Si cela était vrai, dit-il, si je pouvais le croire, tu serais moins scélérat que je ne l’ai pensé ; mais tu as volé, pourquoi ne mentirais-tu pas ?