— Je dis, continua la princesse, que Votre Majesté est atteinte de la petite vérole.
Le roi poussa un cri.
— Les médecins ne l’ont pas dit, répliqua-t-il.
— Ils n’osent ; moi, je vois pour Votre Majesté un autre royaume que le royaume de France. Approchez-vous de Dieu, sire, et passez en revue toutes vos années.
— La petite vérole ! murmurait Louis XV ; maladie mortelle !… Bordeu !… La Martinière !… est-ce donc vrai ?
Le deux praticiens baissèrent la tête.
— Mais je suis perdu alors ? répéta le roi, plus épouvanté que jamais.
— On guérit de toutes les maladies, sire, dit Bordeu prenant l’initiative, surtout lorsqu’on conserve sa tranquillité d’esprit.
— Dieu donne la tranquillité de l’esprit et le salut du corps, répondit la princesse.
— Madame, dit hardiment Bordeu, quoiqu’à voix basse, vous tuez le roi !
La princesse ne daigna pas répondre. Elle se rapprocha du malade et, lui prenant la main qu’elle couvrit de baisers :
— Rompez avec le passé, sire, dit-elle, et donnez l’exemple à vos peuples. Nul ne vous avertissait ; vous couriez risque d’être perdu pour l’éternité. Promettez de vivre en chrétien, si vous vivez ; mourez en chrétien, si Dieu vous appelle à lui.
Elle acheva ces mots par un nouveau baiser sur la main royale, et reprit à pas lents le chemin des antichambres. Là, elle rabattit son long voile noir sur son visage, descendit les degrés, et monta dans son carrosse, laissant derrière elle une stupéfaction, une épouvante dont rien ne saurait donner une idée.
Le roi n’avait pu reprendre ses esprits qu’à force de questionner les médecins ; mais il était frappé.
— Je ne veux pas, dit-il, que les scènes de Metz avec la duchesse de Châteauroux se renouvellent ; qu’on fasse venir madame d’Aiguillon et qu’on la prie d’emmener à Rueil madame Dubarry.