Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/329

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vous le dis, vous parlez d’un homme sur qui Dieu étend son doigt en ce moment…

Le jeune homme, surpris de ce langage étrange, regarda de côté son interlocuteur, dont les yeux ne quittaient pas la façade du château.

— Vous savez donc des nouvelles plus positives ? demanda-t-il.

— Regardez, dit le vieillard en montrant du doigt une des fenêtres du palais ; que voyez-vous là-bas ?

— Une fenêtre éclairée… est-ce cela ?

— Oui… mais comment éclairée ?

— Par une bougie placée dans une petite lanterne.

— Précisément.

— Eh bien ?

— Eh bien, jeune homme, savez-vous ce que représente la flamme de cette bougie ?

— Non, monsieur.

— Elle représente la vie du roi.

Le jeune homme regarda plus fixement le vieillard, comme pour s’assurer qu’il jouissait de toute sa raison.

— Un de mes amis, M. de Jussieu, continua le vieillard, a placé là cette bougie, qui brûlera tant que le roi vivra.

— C’est un signal, alors ?

— Un signal que le successeur de Louis XV couve des yeux, là-bas, derrière quelque rideau. Ce signal, qui avertira des ambitieux du moment où commencera leur règne, avertit un pauvre philosophe comme moi du moment où Dieu souffle sur un siècle et sur une existence.

Le jeune homme tressaillit à son tour et se rapprocha sur le banc de son interlocuteur.

— Oh ! dit le vieillard, regardez bien cette nuit, jeune homme ; voyez ce qu’elle renferme de nuages et de tempêtes… l’aurore qui lui succédera, je la verrai, sans doute, car je ne suis pas assez vieux pour ne pas voir le jour de demain. Mais un règne va peut-être commencer, que vous verrez jusqu’à la fin, vous, et qui renferme, comme cette nuit… des mystères que moi je ne verrai pas… Il n’est donc pas sans intérêt pour