Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/39

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je m’en étonne. Et depuis quand, infime vermisseau, créature parle-t-elle ainsi à son créateur ? Ah ! tu me vois sans forces, ah ! tu me vois couché, tu me vois sollicitant, et tu es assez sot pour me croire à ta merci ? Oui ou non, Acharat, et n’aie dans les yeux ni embarras ni mensonge ; car je vois et je lis dans ton cœur, car je te juge et je te poursuivrai.

— Maître, répondit Balsamo, prenez garde, ma colère va vous nuire.

— Réponds ! réponds !

— Je ne sais dire à mon maître que ce qui est vrai ; je verrai si je puis vous procurer ce que vous désirez, sans nous nuire à tous deux, sans nous perdre même. Je chercherai un homme qui nous vende la créature dont vous avez besoin ; mais je ne prendrai pas le crime sur moi. Voilà tout ce que je puis vous dire.

— C’est fort délicat, dit Althotas avec un rire amer.

— C’est ainsi, maître, dit Balsamo.

Althotas fit un effort si puissant, qu’à l’aide de ses deux bras appuyés sur ceux de son fauteuil, il se dressa tout debout.

— Oui ou non ! dit-il.

— Maître, oui, si je trouve ; non, si je ne trouve pas.

— Alors, tu m’exposeras à la mort, misérable ; tu économiseras trois gouttes de sang d’un animal immonde et nul comme la créature qu’il me faut pour laisser tomber dans l’abîme éternel la créature parfaite que je suis. Écoute, Acharat, je ne te demande plus rien, dit le vieillard avec un sourire effrayant à voir ; non, je ne te demande absolument rien ; j’attendrai ; mais, si tu ne m’obéis pas, je me servirai moi-même ; si tu m’abandonnes, je me secourrai. Tu m’as entendu, n’est-ce pas ? Va, maintenant.

Balsamo, sans rien répondre à cette menace, prépara autour du vieillard ce qui lui était nécessaire ; il mit à sa portée la boisson et la nourriture, s’acquitta de tous les soins, enfin, qu’un vigilant serviteur aurait eus pour son maître, qu’un fils dévoué aurait eus pour son père ; puis, absorbé dans une