Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/75

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À peine avait-il le temps de s’étonner qu’un si épouvantable malheur eût fondu sur sa tête. Il ressemblait à ces infortunés que l’inondation saisit dans leur lit, au milieu des ténèbres, qui rêvent que l’eau les a gagnés, qui s’éveillent, qui ouvrent les yeux et qui, voyant sur leur tête une vague mugissante, n’ont pas même le temps de pousser un grand cri en passant de la vie à la mort.

Balsamo, pendant trois heures, se crut englouti dans les plus profonds abîmes du tombeau ; à travers son immense douleur, il prenait ce qui lui arrivait pour un de ces sinistres songes qui visitent les trépassés dans la nuit éternelle et silencieuse du sépulcre.

Pour lui, plus d’Althotas, c’est-à-dire pour lui plus de haine, pour lui plus de vengeance.

Pour lui, plus de Lorenza, c’est-à-dire plus de vie, plus d’amour.

Le sommeil, la nuit, le néant !

Voilà comment le temps s’écoula, lugubre, silencieux, infini, dans cette chambre où le sang refroidissait après avoir envoyé sa part de fécondité aux atomes qui la réclament.

Tout à coup, au milieu du silence et de la nuit, une sonnette sonna trois fois.

Sans doute Fritz savait que son maître était chez Althotas, car une sonnette tinta dans la chambre même.

Mais elle eut beau retentir trois fois avec un bruit insolemment étrange, le son s’évanouit dans l’espace.

Balsamo ne leva point la tête.

Au bout de quelques minutes, le même tintement, plus sonore, retentit une seconde fois, mais sans plus que la première arracher Balsamo à sa torpeur.

Puis, à un intervalle mesuré, mais moins éloigné que celui qui avait séparé le premier tintement du second, la sonnette irritée fit une troisième fois jaillir dans la chambre un éclat multiple de sons criards et impatients.

Balsamo, sans tressaillir, souleva lentement son front et interrogea l’espace avec la froide solennité d’un mort qui sort de son tombeau.