Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/86

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— Oh ! vous craignez que je ne me tue ? dit Balsamo avec un sourire amer… Si je l’eusse voulu, ce serait fait. Il y a dans cette bague de quoi vous tuer tous cinq si je l’ouvrais ; vous craignez que je ne m’enfuie ? faites-moi accompagner si cela vous convient.

— Va ! dit le président.

Balsamo disparut pendant une minute ; puis on l’entendit redescendre pesamment l’escalier : il rentra.

Il tenait sur son épaule le cadavre roidi, froid et décoloré de Lorenza, dont la blanche main pendait vers la terre.

—- Cette femme que j’adorais, cette femme qui était mon trésor, mon bien unique, ma vie, cette femme qui a trahi, comme vous dites, s’écria-t-il, la voici, prenez-la ! Dieu ne vous a pas attendus pour punir, messieurs, ajouta-t-il.

Et, par un mouvement prompt comme l’éclair, il fit glisser le cadavre sur ses bras et l’envoya rouler sur le tapis jusqu’aux pieds des juges que les froids cheveux et les mains inertes de la morte allèrent effleurer dans leur horreur profonde, tandis qu’à la lueur des lampes on voyait la blessure d’un rouge sinistre et profond s’ouvrir au milieu de son col d’une blancheur de cygne.

— Prononcez maintenant, ajouta Balsamo.

Les juges, épouvantés, poussèrent un cri terrible, et, saisis d’une vertigineuse terreur, ils s’enfuirent dans une confusion inexprimable. On entendit bientôt les chevaux hennir et piétiner dans la cour ; la porte gronda sur ses gonds, puis le silence, le silence solennel revint s’asseoir auprès de la mort et du désespoir.