Page:Dumas - La Dernière Année de Marie Dorval, 1855.djvu/87

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Les deux fossoyeurs comprirent l’impression produite sur moi par ce spectacle, et attendirent, sans bouger, que je fusse un peu remis.

Quelques minutes me suffirent pour prendre une apparence de sang-froid, et d’une voix que je m’efforçai de rendre calme :

— Allons, leur dis-je.

Ô maître ! sais-tu à quoi je pensais ? À ma douleur, d’abord, au milieu de ma douleur, j’allais une réminiscence de cet autre maître, le maître à tous, qu’on appelle Shakespeare.

N’étais-je pas là comme Hamlet et les deux fossoyeurs ! et, pauvre comédien, n’étais-je pas autant par ma douleur, aux regards de Dieu, que ce fils de roi qui interrogeait sur les mystères de la mort la tête d’Yorick, lequel, au bout du compte, ne lui était rien ! tandis que ces ossements qui allaient rouler devant moi, c’étaient ceux de ma chère Marie, de la mère, de ma Caroline, de la grand-mère de mon Georges.

Ces idées se heurtaient confuses dans mon esprit, tandis que je regardais ce petit cercueil d’enfant, et que je me demandais ce qu’il pouvait faire là.