Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/101

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qu’il est donné à une créature mortelle de l’être. Le soleil de la joie n’éclaire jamais entièrement le cœur de l’homme ; il y a toujours, sur certains points de ce cœur, une tache sombre qui rappelle à l’homme que le bonheur complet n’existe pas en ce monde, mais seulement au ciel.

Mais Hoffmann avait un avantage sur le commun de l’espèce. Souvent l’homme ne peut pas expliquer la cause de cette douleur qui passe au milieu de son bien-être, de cette ombre qui se projette, obscure et noire, sur sa rayonnante félicité.

Hoffmann, lui, savait ce qui le rendait malheureux.

C’était cette promesse faite à Zacharias Werner d’aller le rejoindre à Paris ; c’était ce désir étrange de visiter la France, qui s’effaçait dès qu’Hoffmann se trouvait en présence d’Antonia, mais qui reprenait tout le dessus aussitôt qu’Hoffmann se retrouvait seul ; il y avait même plus : c’est qu’au fur et à mesure que le temps s’écoulait et que les lettres de Zacharias, réclamant la parole de son ami, étaient plus pressantes, Hoffmann s’attristait davantage.

En effet, la présence de la jeune fille n’était plus suffisante à chasser le fantôme qui poursuivait maintenant Hoffmann jusqu’aux côtés d’Antonia. Souvent, près d’Antonia, Hoffmann tombait dans une rêverie profonde. À quoi rêvait-il ? à Zacharias Werner, dont il lui semblait entendre la voix. Souvent son œil, distrait d’abord, finissait par se fixer sur un point de l’horizon. Que voyait cet œil, ou plutôt que croyait-il voir ? La route de Paris, puis, à un des tournants de cette route, Zacharias marchant devant lui et faisant signe de le suivre.

Peu à peu, le fantôme qui était apparu à Hoffmann à