Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/135

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pu oublier un instant ce que c’était que le jugement de Pâris.

— Voulez-vous l’explication du ballet, citoyen ? dit un marchand de livrets en s’approchant d’Hoffmann.

— Oui, donnez !

C’était pour notre héros une preuve de plus qu’il allait au spectacle, et il en avait besoin.

Il ouvrit le livret et jeta les yeux dessus.

Ce livret était coquettement imprimé sur beau papier blanc, et enrichi d’un avant-propos de l’auteur.

— Quelle chose merveilleuse que l’homme ! pensa Hoffmann en regardant les quelques lignes de cet avant-propos, lignes qu’il n’avait pas encore lues, mais qu’il allait lire, et comme, tout en faisant partie de la masse commune des hommes, il marche seul, égoïste et indifférent, dans le chemin de ses intérêts et de ses ambitions ! Ainsi, voici un homme, M. Gardel jeune, qui a fait représenter ce ballet le 5 mars 1793, c’est-à-dire six semaines après la mort du roi, c’est-à-dire six semaines après un des plus grands événemens du monde ; eh bien ! le jour où ce ballet a été représenté, il a eu des émotions particulières dans les émotions générales ; le cœur lui a battu quand on a applaudi ; et si, en ce moment, on était venu lui parler de cet événement qui ébranlait encore le monde, et qu’on lui eût nommé le roi Louis XVI, il se fût écrié : Louis XVI, de qui voulez-vous parler ? Puis, comme si, à partir du jour où il avait livré son ballet au public, la terre entière n’eût plus dû être préoccupée que de cet événement chorégraphique, il a fait un avant-propos à l’explication de sa pantomime. Eh bien ! lisons-le, son avant-propos et,