Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/138

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cœur, contre les battemens du sien. Il regarda toutes les femmes qui l’entouraient, toutes ces blanches épaules, tous ces cheveux blonds et bruns, tous ces bras souples, toutes ces mains jouant avec les branches d’un éventail ou ajustant coquettement les fleurs d’une coiffure, et il se sourit à lui-même en prononçant le nom d’Antonia, comme si ce nom eût suffi pour faire disparaître toute comparaison entre celle qui le portait et les femmes qui se trouvaient là, et pour le transporter dans un monde de souvenirs mille fois plus charmants que toutes ces réalités, si belles qu’elles fussent. Puis, comme si ce n’eût point été assez, comme s’il eût eu à craindre que le portrait, qu’à travers la distance lui retraçait sa pensée, ne s’effaçât dans l’idéal par où il lui apparaissait, Hoffmann glissa doucement la main dans sa poitrine, y saisit le médaillon comme une fille craintive saisit un oiseau dans un nid, et après s’être assuré que nul ne pouvait le voir, et ternir d’un regard la douce image qu’il prenait dans sa main, il amena doucement le portrait de la jeune fille, le monta à la hauteur de ses yeux, l’adora un instant du regard, puis, après l’avoir posé pieusement sur ses lèvres, il le cacha de nouveau tout près de son cœur, sans que personne pût deviner la joie que venait d’avoir, en faisant le mouvement d’un homme qui met la main dans son gilet, ce jeune spectateur aux cheveux noirs et au teint pâle.

En ce moment on donnait le signal, et les premières notes de l’ouverture commencèrent à courir gaîment dans l’orchestre, comme des pinsons querelleurs dans un bosquet.

Hoffmann s’assit, et tâchant de redevenir un homme