Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais plein de défauts, de ces défauts charmans qui font l’originalité de l’homme de génie, prodigue, insouciant, flâneur, flâneur comme Figaro était paresseux ! avec délices.

Nodier savait à peu près tout ce qu’il était donné à l’homme de savoir ; d’ailleurs, Nodier avait le privilège de l’homme de génie ; quand il ne savait pas il inventait, et ce qu’il inventait était bien autrement ingénieux, bien autrement coloré, bien autrement probable que la réalité.

D’ailleurs, plein de systèmes, paradoxal, avec enthousiasme, mais pas le moins du monde propagandiste, c’était pour lui-même que Nodier était paradoxal, c’était pour lui seul que Nodier se faisait des systèmes ; ses systèmes adoptés, ses paradoxes reconnus, il en eût changé, et s’en fût immédiatement fait d’autres.

Nodier était l’homme de Térence, à qui rien d’humain n’est étranger. Il aimait pour le bonheur d’aimer : il aimait comme le soleil luit, comme l’eau murmure, comme la fleur parfume. Tout ce qui était bon, tout ce qui était beau, tout ce qui était grand lui était sympathique ; dans le mauvais même, il cherchait ce qu’il y avait de bon, comme, dans la plante vénéneuse, le chimiste, du sein du poison même, tire un remède salutaire.

Combien de fois Nodier avait-il aimé ? c’est ce qu’il lui eût été impossible de dire à lui-même ; d’ailleurs, le grand poëte qu’il était ! il confondait toujours le rêve avec la réalité. Nodier avait caressé avec tant d’amour les fantaisies de son imagination, qu’il avait fini par croire à leur existence. Pour lui, Thérèse Aubert, la Fée aux miettes, Inès de la Sierra, avaient existé. C’étaient ses filles, comme