Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/209

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Jamais Hoffmann n’avait tant admiré l’or.

Il ouvrait des yeux émerveillés, comme s’il fût entré dans un rayon de soleil, et cependant il venait de voir au jeu plus d’or qu’il n’en voyait là ; mais ce n’était pas le même or, philosophiquement parlant. Il y avait entre l’or bruyant, rapide, agité du 113, et l’or tranquille, grave, muet du changeur, la différence qu’il y a entre les bavards creux et sans esprit, et les penseurs pleins de méditation. On ne peut rien faire de bon avec l’or de la roulette ou des cartes, il n’appartient pas à celui qui le possède ; mais celui qui le possède lui appartient. Venu d’une source corrompue, il doit aller à un but impur. Il a la vie en lui, mais la mauvaise vie, et il a hâte de s’en aller comme il est venu. Il ne conseille que le vice et ne fait le bien, quand il le fait, que malgré lui ; il inspire des désirs quatre fois, vingt fois plus grands que ce qu’il vaut, et, une fois possédé, il semble qu’il diminue de valeur ; bref, l’argent du jeu, selon qu’on le gagne ou qu’on l’envie, selon qu’on le perd ou qu’on le ramasse, a une valeur toujours fictive. Tantôt une poignée d’or ne représente rien, tantôt une seule pièce renferme la vie d’un homme ; tandis que l’or commercial, l’or du changeur, l’or comme celui que venait chercher Hoffmann chez son compatriote, vaut réellement le prix qu’il porte sur sa face, il ne sort de son nid de cuivre que contre une valeur égale et même supérieure à la sienne ; il ne se prostitue pas en passant, comme une courtisane sans pudeur, sans préférence, sans amour, de la main de l’un à la main de l’autre ; il a l’estime de lui-même ; une fois sorti de chez le changeur, il peut se corrompre, il peut fréquenter la mauvaise société, ce qu’il faisait peut-être