Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Lequel ? demanda le changeur, dont la figure se rembrunit à ce mot. Le changeur n’est pas plus prêteur que la fourmi.

— C’est de me prêter trois louis sur ce médaillon d’or.

En même temps, Hoffmann passait le médaillon au commerçant, qui, le mettant dans une balance, le pesa :

— N’aimeriez-vous pas mieux le vendre ? demanda le changeur.

— Oh ! non, s’écria Hoffmann ; non, c’est déjà bien assez de l’engager : je vous prierai même, monsieur, si vous me rendez ce service, de vouloir bien me garder ce médaillon avec le plus grand soin, car j’y tiens plus qu’à ma vie, et je viendrai le reprendre dès demain : il faut une circonstance comme celle où je me trouve pour que je l’engage.

— Alors, je vais vous prêter trois louis, monsieur.

Et le changeur, avec toute la gravité qu’il croyait devoir à une pareille action, prit trois louis et les aligna devant Hoffmann.

— Oh ! merci, monsieur, mille fois merci ! s’écria le poëte, et, s’emparant des trois pièces d’or, il disparut.

Le changeur reprit silencieusement sa lecture après avoir déposé le médaillon dans un coin de son tiroir.

Ce n’est pas à cet homme que fût venue l’idée d’aller risquer son or contre l’or du 113.

Le joueur est si près d’être sacrilège, qu’Hoffmann, en jetant sa première pièce d’or sur le n° 26, car il ne voulait les risquer qu’une à une, qu’Hoffmann, disons-nous, prononça le nom d’Antonia.

Tant que la bille tourna Hoffmann n’eut pas d’émotions ; quelque chose lui disait qu’il allait gagner.