Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/29

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dix mille francs. Tous les bibliographes étaient sens dessus dessous à l’endroit de cette malheureuse Bible. On écrivit en Allemagne et en Angleterre. Néant. Sur une note du marquis de Chalabre, on ne se serait pas donné tant de peine, et on eût simplement répondu : Elle n’existe pas. Mais, sur une note de Nodier, c’était autre chose. Si Nodier avait dit : « La Bible existe » incontestablement la Bible existait. Le pape pouvait se tromper ; mais Nodier était infaillible.

Les recherches durèrent trois ans. Tous les dimanches, le marquis de Chalabre, en déjeunant avec Nodier chez Pixérécourt, lui disait :

— Eh bien ! cette Bible, mon cher Charles…

— Eh bien ?

— Introuvable !

Quære et invenies, répondait Nodier.

Et, plein d’une nouvelle ardeur, le bibliomane se remettait à chercher, mais ne trouvait pas.

Enfin on apporta au marquis de Chalabre une Bible.

Ce n’était pas la Bible indiquée par Nodier, mais il n’y avait que la différence d’un an dans la date ; elle n’était pas imprimée à Kehl mais elle était imprimée à Strasbourg, il n’y avait que la distance d’une lieue ; elle n’était pas unique, il est vrai, mais le second exemplaire, le seul qui existât, était dans le Liban, au fond d’un monastère druse. Le marquis de Chalabre porta la Bible à Nodier et lui demanda son avis :

— Dame ! répondit Nodier, qui voyait le marquis prêt à devenir fou s’il n’avait pas une Bible, prenez celle-là, mon cher ami, puisqu’il est impossible de trouver l’autre.