Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/41

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Mais alors le curé eut recours à sa lanterne sourde, dont il dirigea les rayons vers la tombe du chevalier.

Alors il s’aperçut que l’objet qui la tenait entr’ouverte était un crapaud gros comme une tortue de mer, lequel, en s’enflant, soulevait la pierre et donnait passage à l’araignée, qui allait incontinent pomper l’huile, qu’elle revenait partager avec son compagnon.

Tous deux vivaient ainsi depuis des siècles dans cette tombe, où ils habiteraient probablement encore aujourd’hui si un accident n’eût révélé au curé la présence d’un voleur quelconque dans son église.

Le lendemain, le curé avait requis main-forte, on avait soulevé la pierre du tombeau, et l’on avait mis à mort l’insecte et le reptile, dont les cadavres étaient suspendus au plafond et faisaient foi de cet étrange événement.

D’ailleurs, le paysan qui racontait la chose à Nodier était un de ceux qui avaient été appelés par le curé pour combattre ces deux commensaux de la tombe du chevalier, et comme lui s’était acharné particulièrement au crapaud, une goutte de sang de l’immonde animal, qui avait jailli sur sa paupière, avait failli le rendre aveugle comme Tobie.

Il en était quitte pour être borgne.

Pour Nodier, les histoires de crapauds ne se bornaient pas là ; il y avait quelque chose de mystérieux dans la longévité de cet animal qui plaisait à l’imagination de Nodier. Aussi toutes les histoires de crapauds centenaires ou millénaires, les savait-il ; tous les crapauds découverts dans des pierres, ou dans des troncs d’arbres, depuis le crapaud trouvé en 1756 par le sculpteur Leprince, à Eretteville, au